Est-ce que la culture de la diète influence ta vie? Assurément et je te dis comment!

On entend de plus en plus parler de la culture de la diète, que ce soit par des nutritionnistes, psychologues et, lentement mais sûrement, par des influenceuses et vedettes. Je t’explique en quoi ça consiste et comment elle influence ta vie de tous les jours.

Dans mes textes, j’utilise le féminin…parce que ça me tente.

La culture de la diète est bien ancrée dans nos discours et nos comportements. Elle est partout, tout le temps, sans même qu’on ne s’en rende compte. Elle existe depuis très longtemps, mais on ne parle d’elle et on ne la dénonce que depuis peu. C’est quoi, au juste? Il n’y a pas vraiment de définition exacte d’établie pour le moment. Selon la journaliste et diététiste américaine Christy Harrison qui est détentrice d’une maîtrise en santé publique et certifiée comme conseillère en alimentation intuitive, la culture de la diète se définirait ainsi (traduction libre)1 :

Livre Anti-Diet de la diététiste Christy Harrison

La culture de la diète est un système de croyances qui :

  • Promeut la minceur et l’associe à la santé et à la vertu morale, faisant en sorte qu’on puisse passer notre vie à croire qu’on est « brisée » parce qu’on ne répond pas aux critères irréalistes de l’idéal de minceur. (J’ajouterais ma touche personnelle en disant que, non seulement on peut se sentir « brisée », mais aussi immorale et faible si on ne cadre pas dans cet idéal.)
  • Présente la perte de poids comme étant une façon d’atteindre un meilleur statut, nous poussant à dépenser beaucoup de temps, d’énergie et d’argent pour amincir notre corps, même si les recherches sont claires: presque personne ne peut maintenir une perte de poids volontaire plus que quelques années (95% des gens ne le peuvent pas2).
  • Diabolise certaines façons de s’alimenter et en glorifie d’autres, nous incitant ainsi à être hyper vigilante en ce qui concerne notre alimentation, à avoir honte de certains de nos choix alimentaires, à oublier l’aspect plaisir et le fait qu’on devrait avoir le pouvoir de nos propres choix.
  • Accable les gens qui n’entrent pas dans l’image qu’on se fait d’une personne en santé, particulièrement les femmes, les personnes trans, les personnes ayant un poids plus élevé, les personnes de couleurs et les personnes ayant des handicaps, ayant pour effet de détériorer leur santé mentale et physique.

Autrement dit, la culture de la diète n’est pas seulement reliée aux régimes en tant que tels, mais à tout ce qui nous pousse à contrôler notre alimentation d’une manière ou d’une autre en oubliant que manger doit rester un plaisir et ne devrait pas causer des soucis si importants qu’ils en affectent notre santé mentale et/ou physique.

T’es-tu déjà sentie coupable de manger quelque chose? Particulièrement devant quelqu’un? As-tu eu peur du jugement? T’es-tu déjà empêchée de choisir un aliment dont tu avais vraiment envie parce que tu sentais que les autres allaient te juger? T’es-tu déjà sentie supérieure à quelqu’un parce que tu as fait un « meilleur choix » alimentaire que lui/elle?

Si c’est le cas, dis-toi que c’est un exemple où la culture de la diète a influencé ta vie. On n’a qu’à se transporter dans une salle à dîner d’à peu près n’importe quel milieu de travail pour constater ce genre de situation tous les jours. Parfois, j’ai même l’impression de voir une compétition entre les lunchs de collègues de travail. Quelle salade est la plus santé, qui a du tofu dans son lunch, qui utilise du pain de grains entiers plutôt que du si dégradant pain blanc, qui a lunch le plus bio, le plus écolo, etc. Quand quelqu’un amène un reste de pizza ou commande une poutine, je m’amuse à analyser les réactions et écouter les commentaires. JAMAIS, ça n’arrive que PERSONNE ne fasse de commentaires quand quelqu’un mange une poutine, jamais. Chaque fois, j’entends quelqu’un (parfois celle qui mange la poutine, parfois d’autres) dire que la personne « se gâte », qu’elle « triche », qu’elle « se paye la traite », qu’elle « devra aller courir pour brûler ça »… n’importe quoi du genre. Chaque fois, je me dis: « Non mais, est-ce qu’elle peut juste manger sa fu**ing poutine, trouver ça bon et passer à autre chose? ». Non, elle ne le peut pas, parce que la culture de la diète nous a enseigné, depuis toujours, à considérer la poutine comme un aliment dégradant qu’on mange seulement quand on a un moment de faiblesse. Quand on mange de la poutine, on est moins bon que les autres. On l’a échappé, on a fait un mauvais choix. On va se reprendre parce qu’on ne veut pas devenir une personne de moindre valeur, une de ces grosses personnes faibles qu’on pointe du doigt parce qu’ils sont incapables de se contrôler.

NON! On a juste mangé une maudite poutine! On n’est pas moins bonne que celle qui a choisi la salade ou le poke bowl (c’est à la mode, t’sais, tu deviens soudainement ultra plus cool quand tu manges ça!). Si cette personne avait envie de manger de la salade, tant mieux pour elle! Toi, c’était d’une poutine dont tu avais envie. Tu es pas mal mieux de manger ta poutine et te contenter que de faire comme les autres, choisir la salade, mais l’échapper dans la boîte de biscuits à 22h le soir devant la télé, quand il n’y aura pas de témoins…et de feeler cheap pareil, parce qu’encore une fois, d’avoir une rage après s’être restreinte dans la journée, ce n’est pas bien, selon la culture de la diète. C’est faible. Pourtant, il n’y a rien de plus humain et normal que ça.

(En passant, ça se peut que tu aies envie d’une salade pour vrai et c’est bien correct et normal aussi. Ton corps n’est pas stupide, si tu réponds à ses besoins et ses envies (sans exagérer non plus, on s’entend…il y a une différence entre une vraie envie et des petits caprices), il va finir par trouver un équilibre. Ta poutine, si tu l’as mangée sans culpabilité et que tu l’as savourée, les risques que tu en aies encore envie dans les prochains jours sont faibles. Le lendemain, ça se pourrait bien que tu aies pas mal plus envie d’un sandwich ou d’une salade-repas.)

Est-ce que tu dépenses beaucoup de temps et d’énergie à choisir les aliments les plus santé? Crois-tu que certaines façons de s’alimenter soient « supérieures » à d’autres?

Bien sûr, puisque je suis nutritionniste, tu dois te dire que c’est ma job de promouvoir les aliments santé. Les gens croient souvent, à tort, que nous sommes là pour leur dicter quoi manger et leur dire à quoi ils ont droit et à quoi ils n’ont pas droit. Ce n’est pas le cas. On conseille les gens pour les aider à faire des choix qui répondent à TOUS leurs besoins physiques ET psychologiques, donc pas seulement à leurs besoins en nutriments (glucides, protéines, vitamines et minéraux, etc.), mais aussi à leurs préférences et leurs envies. Nous ne sommes pas des machines qu’on remplit d’essence et qu’on change d’huile une fois de temps en temps, on est des humains! Nos besoins sont pas mal plus complexes qu’un calcul de ratio glucides/lipides/protéines!

Il faut aussi garder en tête que, ces conseils, on les donne pour faciliter la vie des gens, pas pour la compliquer. On les outille à être encore plus indépendants dans leurs choix alimentaires. Malheureusement, la façon dont ça a été fait n’a pas toujours été adéquate et ne l’est parfois toujours pas. Les perceptions et les croyances des gens font aussi en sorte que nos messages ne sont pas toujours bien compris. Bref, bien sûr que j’encourage les gens à avoir un équilibre alimentaire, mais TOUS les aliments font partie de cet équilibre et, qui dit équilibre dit pas de restrictions.

Les gens se valorisent beaucoup par leurs choix alimentaires, par le fait qu’ils soient de bonnes personnes qui font des choix responsables pour leur santé et celle de leur famille. C’est ce qui fait qu’on met, en général, beaucoup d’énergie à faire ces choix. Quand on est nutritionniste, on sait à quel point le monde de l’alimentation est complexe parce que tout n’est jamais tout noir ou tout blanc, mais TOUJOURS gris. C’est l’une des raisons qui fait que les gens sont mêlés. Si une nutri va à la télé et n’a que 2 minutes pour répondre, c’est possible que le manque de temps amène aussi le manque de clarté de la réponse. Le contexte fait aussi toute la différence. « Ça, est-ce que c’est un bon choix? ». Ça dépend de plein de choses. As-tu une maladie? Es-tu physiquement actif? À quoi ressemble le reste de ton alimentation? Est-ce que tu veux dire un bon choix pour toi ou un bon choix pour tes enfants? Quelle est ton intention derrière ce choix (ex.: veux-tu une collation qui te supportera tout le P.M. ou un petit dessert pour compléter ton repas)? As-tu l’intention d’en consommer souvent? Aimes-tu ça? … Tu comprends que, un bon choix, c’est très relatif. C’est ce qui fait que beaucoup de gens se stressent continuellement avec ça. Le pire, c’est que la majorité d’entre eux finissent par faire des choix d’apparence santé, mais qui ne le sont pas vraiment, parce que leurs connaissances en nutrition sont trop souvent biaisées par une tonne de désinformation. Mais on y croit et on veut bien faire, alors on continue de se stresser inutilement.

Et si je te disais STOP. Arrête. Relaxe. On sait qu’on doit manger beaucoup de légumes et fruits, de produits céréaliers à grains entiers, limiter le sel, les sucres ajoutés, les produits ultra-transformés, etc., mais tout ça en train de virer en un vrai combat intérieur pour trop de personnes. Le pire, c’est que ce sont souvent les personnes qui mangent déjà bien qui se sentent le plus visées par ces recommandations.

Par exemple, quand le nouveau guide alimentaire a conseillé aux carnivores aguerris de simplement diminuer un peu leur consommation de viandes pour laisser plus de place aux végétaux dans leur alimentation, ce ne sont pas eux qui se sont sentis visés, mais les gens qui variaient déjà leurs sources de protéines entre les sources animales et végétales. Plusieurs se sont mis à penser qu’il serait préférable pour leur santé d’être végétarien ou presque. Ce n’est pourtant pas ce que recommande le guide. Encore une fois, avec l’effet des messages véhiculés par la culture de la diète depuis des années, l’information a été déformée et mal comprise. On essaie de nous faire croire depuis si longtemps que ça prend une diète bien spéciale pour être en santé qu’on s’entête à voir les recommandations comme étant pas mal plus sévères qu’elles ne le sont en réalité.

Tu n’es pas irresponsable si tu choisis des aliments qui ne sont pas parfaits un peu trop souvent à ton goût. S’ils ne sont pas bios, sans OGM, sans sel, sans sucre (et souvent sans goût, on va se le dire), c’est O.K. Ce l’est parce que, premièrement, ce n’est pas toujours facile d’avoir accès à certains aliments, que ce soit pour une question de coût ou de disponibilité. Ce l’est aussi parce que, la qualité organoleptique d’un aliment (apparence, odeur, goût, texture), c’est très important! Ça, c’est la partie que la culture de la diète ne t’a jamais dit. Tes sens ont besoin de recevoir des signaux agréables. Prends, par exemple, un bébé. S’il n’aime pas la texture ou le goût d’un aliment, tu risques de le savoir assez rapidement en recevant sa bouchée en plein visage. Il respecte les sensations de son corps. En vieillissant, on priorise ce qu’on pense qu’il est bien de manger avant ce qu’on a envie de manger. On mange avec notre tête au lieu de manger avec nos sens. Et ça, ça finit par être lourd, autant physiquement que moralement. Oui, on peut et il faut se permettre de donner une chance à des aliments qu’on n’aime moins au début, faire plusieurs essais même. Par contre, il ne faut pas que ça devienne une obsession de se forcer à manger des choses qu’on n’aime pas et de constamment combattre nos envies pour ne choisir que des aliments considérés comme étant santé par la culture des diètes. De toute façon, on l’a vu tantôt: un aliment « santé », c’est bien relatif.

Juger les autres par ce qu’ils mangent

Dernièrement, je vois beaucoup de familles choisir des solutions prêt-à-cuisiner comme Cook it ou encore le prêt-à-manger d’Isabelle Huot ou Fit Menu. C’est super le fun comme concept, ça nous évite de se casser la tête avec l’épicerie et ça nous aide à sauver du temps tout en mangeant des aliments frais et en ayant une assiette équilibrée. Par contre, ça prend un certain budget pour s’offrir ça. Pour une partie de la population, ce n’est pas quelque chose d’accessible. Pourtant, ce ne sont pas que les personnes en moyens qui manquent de temps et d’idées pour les repas, c’est tout le monde. Donc, c’est facile de juger les gens qui optent pour les croquettes de poulet ou les pogos, mais on oublie qu’on est tous dans la même situation et que chacun essaie de se débrouiller selon ses propres moyens.

As-tu déjà jugé quelqu’un par son poids ou par le fait qu’il ait une maladie chronique comme les maladies cardiovasculaires, le diabète ou l’hypertension?

Je ne te dirai pas que ce n’est pas de ta faute, mais ce ne l’est pas entièrement. Tu as été programmée toute ta vie à haïr tout ce qui est hors norme, tout ce qui est trop gros, tout ce qui n’est pas parfait. Heureusement, il n’est pas trop tard pour revoir ta philosophie, la travailler, jour après jour…parce que ça ne se change pas en un coup de baguette. Pour y arriver, par contre, il faut avoir les bonnes informations.

On t’a probablement toujours présenté la fausse image du poids comme une simple équation : ce qu’on mange – ce qu’on dépense = la quantité de calories que ton corps absorbera. On t’a fait croire que le chiffre sur la balance se contrôlait comme on le voulait, qu’on pouvait sculpter notre corps selon notre bonne volonté. Selon cette fausse croyance, il suffirait d’avoir assez de courage, d’être assez fort psychologiquement… de se donner un coup de pied au cul finalement! On t’a aussi fait associer le surpoids à de la faiblesse, à un manque de volonté, un manque de dignité, à une moindre valeur morale. La réalité, c’est qu’avec les recherches, on a compris que le poids est beaucoup plus qu’une simple équation et que les facteurs qui l’influencent sont non seulement nombreux, mais aussi très complexes et que, finalement, le poids ne se module pas à notre guise. En le sachant, ça change nos perspectives.

Du côté des maladies comme les problèmes cardiaques ou le diabète, c’est facile de juger les gens par rapport à leur mode de vie, car on sait qu’une alimentation équilibrée et un bon niveau d’activité physique devraient, en théorie, nous protéger les de ce genre de maladies. Pourtant, ce n’est pas toujours le cas. En plus, encore une fois, il y a plusieurs facteurs qui viennent influencer l’alimentation et le niveau d’activité physique des gens, donc de conclure que ceux qui ont l’une de ces maladies sont responsables de leur propre sort, c’est de tourner les coins ronds.

Récemment, j’ai vu une publication de sur la page Facebook « Labo Benoit Arsenault » qui présentait une nouvelle surprenante. Une étude publiée dans la revue scientifique « The Lancet »3 démontre qu’on a retrouvé de l’athérosclérose (plaques de cholestérol) dans les artères de momies ayant vécu il y a plus de 4000 ans! Donc, même si on accuse notre mode de vie actuel de tous les maux, on se rend compte que nos connaissances sont encore limitées et que nos conclusions pourraient être incomplètes. Attention, je ne suis pas en train de jeter aux poubelles toutes les recommandations de santé! Je t’invite simplement à réfléchir sur la façon dont on agit et pense tous les jours en étant convaincue qu’on a le contrôle sur tout et qu’on a qu’à « s’améliorer », mais que, finalement, la santé, c’est probablement pas mal plus complexe qu’on ne le croit.

Évidemment, la culture de la diète, c’est aussi toutes les formes de diètes, les normes de beauté irréalistes, le modèle de corps unique que plusieurs d’entre nous cherchons à avoir et tout ce qui nous pousse à s’alimenter d’une certaine façon qui nous fasse sentir une meilleure personne… parce qu’on est donc bon de prendre soin « de notre santé »! « Ce n’est pas une diète, c’est pour ma santé! » 😉 Si tu es honnête avec toi-même, tu vas voir que les similitudes avec une diète sont assez flagrantes!

La culture de la diète, ça inclut aussi de classer les aliments selon qu’ils soient bons ou mauvais, « encrassants » ou « détoxifiants », vrais ou artificiels, entiers ou raffinés, purs ou contaminés1. On oublie que, la santé, c’est global et qu’on l’obtient quand notre corps en entier est bien, autant physiquement que psychologiquement. La meilleure façon d’y arriver, c’est en écoutant ses signaux corporels et en sachant relativiser les informations qu’on reçoit en continu. L’équilibre, c’est de comprendre et d’accepter qu’on n’est pas parfait, de prioriser ce qui est le plus important pour nous et de savoir lâcher prise sur certaines choses.

La lecture de ce texte t’a peut-être un peu choquée. C’est normal. Quand on remet en doute ce qu’on nous a toujours pris pour acquis, ça « rentre dedans ». Je t’ai aussi fait réfléchir sur tes comportements et potentiels jugements. C’est toujours désagréable de se faire remettre en question. Laisse-toi du temps pour assimiler tout ça et, surtout, garde ton esprit ouvert 🙂 Un jour à la fois, on pourra mettre cette philosophie archaïque derrière nous, pour le bien-être de tous!

  1. Christy Harrison. |En ligne| : https://christyharrison.com/blog/what-is-diet-culture Consulté en septembre 2020.
  2. Équilibre. |En ligne|: https://equilibre.ca/perdez-10-livres-en-1-semaine-sans-faire-de-sport/ Consulté en octobre 2020.
  3. The Lancet. |En ligne|: https://www.thelancet.com/journals/lancet/article/PIIS0140-6736(13)60598-X/fulltext?fbclid=IwAR0zu4equfY8od-BPXXc-AXNm7Yon_qQmCWIMzAl5MrZvFNNTl2AUxDLkhM Consulté en octobre 2020.