J’ai eu 35 ans récemment et je réalise que je suis officiellement entrée dans le monde des « vieux ». Pas vieux dans le sens de personne âgée, mais vieux dans le sens de se faire appeler « Madame » par le caissier boutonneux de 18 ans à la SAQ. Il n’y a pas si longtemps, quand je blaguais en disant que j’étais vieille, on m’assurait que j’étais encore une petite jeunesse…et je m’attendais à me faire répondre ainsi, honnêtement. J’avais besoin qu’on me rassure en me disant que j’étais encore toute jeune. Depuis quelques mois, voire peut-être 1 an ou 2, c’est différent. Quand on me demande mon âge et que je dis à la blague que je suis vieille, je ne reçois plus la réponse que je prévoyais. On me répond plutôt : « Hein? Pour vrai?! Je ne te pensais pas si vieille, je te donnais 26-27 ans maximum ». C’est vrai que je suis chanceuse de ne pas faire mon âge, mais ce que j’entends surtout, c’est que je ne suis plus dans la catégorie d’âges qu’on considère comme étant « jeune ». Bon, je ne suis pas très vieille non plus, entendons-nous. Je suis…une madame.
Un sourire qui ne ment pas
Qu’on soit un homme ou une femme, ce n’est pas facile de vieillir. Toutefois, on ne se cachera pas que ce l’est encore plus pour les femmes. Depuis très, très longtemps, nous avons ce fardeau d’être belle et de tout faire pour cacher les signes de vieillissement qui transforment notre corps avec les années qui passent. Je n’avais jamais senti ce besoin de freiner les marques du temps avant tout récemment. Des pattes d’oie se dessinent sous mes yeux quand je souris depuis déjà un bout de temps, mais elles sont plus nombreuses et plus profondes ces derniers mois. Je t’entends te moquer de moi en te disant « pauvre p’tite fille, elle a des bébés rides…gros problème! » et tu as bien raison. Par contre, ça m’a fait réfléchir sur cette constante pression que nous avons de contrer la nature. Je me surprends à retenir mes sourires parfois, de peur que les gens se disent : « C’est moi où elle a pris un coup de vieux soudainement? ». Puis, je me trouve stupide et je me dis que ça a peu d’importance qu’on trouve que j’ai vieilli parce que, oui, j’ai vieilli, comme tout le monde. C’est comme ça la vie, on ne s’en va pas par en arrière, mais par en avant. Et, en allant de l’avant, on fane (j’hésitais à écrire « on ratatine », que je trouve plus drôle, mais moins beau. Donc, je te mets les 2, choisis celui que tu préfères hihi!).
Effacer le temps à grands coups de billets
Pourquoi alors faut-il toujours empêcher la nature de suivre son cours? Pourquoi faut-il dépenser des centaines, voire des milliers de dollars par année pour effacer toute trace d’expérience sur notre visage et notre corps? Moi aussi, j’embarque dans ce phénomène et je panique en voyant mon corps vieillir. Moi aussi, j’aurais envie de dépenser toute ma paie pour les meilleures petites crèmes qui sont hors de prix, des traitements au laser, des injections, etc. Je ne le fais pas, peut-être parce que je n’ai pas encore atteint un point où ça me dérange tant que ça …et on ne se cachera pas que c’est un peu hors de mes moyens. Je me demande, par contre, qu’en sera-t-il quand ces signes de l’âge prendront le dessus sur tout le reste lorsque je me regarderai dans le miroir? Est-ce que je serai prête à tout, moi aussi, pour entrer dans ce moule? Attention, je ne suis pas en train de juger les femmes qui mettent beaucoup d’argent sur leur apparence. Au contraire, je les comprends. D’un autre côté, je me demande comment on a pu se rendre jusque-là. Des soins densifiants, repulpants, détoxifiants, restaurateurs de fermeté, drainants, anti-rides, tonifiants, en voulez-vous? Il y en a de toutes les sortes. Je ne suis pas une habituée des instituts esthétiques, donc je ne m’y connais pas beaucoup mais, quand j’ai visité quelques sites web dernièrement, j’ai été complètement dépassée de voir tout ce qui pouvait exister et à quel point ça peut être facile de dépenser des milliers de dollars annuellement pour être belle et ne pas vieillir.
Peut-être penses-tu, avec ce que je dis, que je suis une fille qui ne se maquille jamais, qui ne s’épile pas et qui ne prend pas soin d’elle physiquement. Ce n’est pas le cas. J’aime être belle et je prends soin de moi. Je me questionne seulement à savoir où est la limite. Il existe de plus en plus de traitements, les femmes dépensent de plus en plus pour les avoir et les standards de beauté s’élèvent et se dénaturent de plus en plus. Je pense à la femme monoparentale qui travaille au salaire minimum à 40 heures/semaine et qui peine à payer le loyer chaque mois. Elle a, elle aussi, beaucoup de pression à devoir être belle et paraître jeune. À côté, il y a la femme d’affaires qui fait 90 000$ par année et qui se paie tous les traitements qui peuvent exister pour rester ferme jusqu’au dessous des bras. Bien sûr que la maman monoparentale risque de vieillir physiquement beaucoup plus vite. Peut-être lui dira-t-on qu’elle est belle comme elle est (j’ose l’espérer!), mais serait-il possible qu’à force de se comparer à des femmes qui sont de plus en plus nombreuses à dépenser beaucoup pour leur apparence, elle finisse par se trouver moche en se regardant dans le miroir? Encore une fois, je ne juge aucunement les femmes qui dépensent beaucoup pour leur physique dans mes propos, mais je questionne la manie de la société de toujours vouloir paraître plus jeune et cacher les imperfections.
Des soucis qui commencent tôt
Je le constate de plus en plus dans mon entourage. Si, auparavant, on se contentait d’aller chez la coiffeuse pour une coloration quelques fois par année et chez l’esthéticienne pour une épilation des sourcils ou du bikini, on n’en est plus là. Extensions de cils, de cheveux, microdermabrasion, microblading, microneedling, drainage lymphatique, photorajeunissement, thermage, coolsculpting, hotsculpting, tightsculpting, lasers, botox, injections de neuromodulateurs, peeling glycolique, lumière pulsée, fraxel, infusion de sérum à l’oxygène, lifting et j’en passe (ne me demande pas qu’est-ce qui est quoi, je n’en connais pas la moitié)! Ce n’est plus seulement matante Gertrude la millionnaire de 60 ans qui se paie ce genre de choses, ce sont de jeunes filles qui sont prêtes à surcharger leur carte de crédit et mettre moins de beurre sur la table pour être belles comme les autres. Je crois que je n’exagère pas en disant qu’on a dépassé les bornes. Est-ce que c’est normal qu’une fille de mon âge s’en fasse déjà avec ces quelques petites rides? En plus, je peux me considérer chanceuse de commencer à ressentir cette pression-là à mon âge seulement puisque, de nos jours, ça arrive à des jeunes filles de 20 ans de se trouver des défauts de vieillesse et même de déjà commencer à intervenir pour ralentir tout ça! Imagine comment ces filles vont se sentir à 50 ans. Ce sera quoi, les solutions, à ce moment? La chirurgie esthétique? Probablement.
C’est malheureux, car ce qu’on considère comme étant des traces de vieillesse qu’on doit effacer à tout prix a pourtant son charme et fait partie de qui on est. On n’est pas des robots ou des poupées, on est des humains. À force de dénormaliser toute forme de ride ou de mou de bras, on finit par croire que c’est laid et qu’on ne devrait pas en avoir. On a besoin de toute une force de caractère pour ne pas embarquer dans cette roue sans fin de la quête de la fontaine de Jouvence.
Et si, ensemble, on prenait la décision de renormaliser ce qui est normal, soit de vieillir, que notre peau se plisse, que des taches se forment sur notre peau, qu’on soit moins ferme, qu’on accumule quelques kilos. Je ne dis pas de ne plus prendre soin de soi mais, n’y a-t-il pas un juste milieu, un équilibre physique, mental…et budgétaire à respecter? Je te laisse en juger par toi-même. 🙂